LES CONSEILS DE LA MÉDIATHÈQUE POUR BIEN UTILISER SON TEMPS LIBRE ….

Durant la période de confinement, la médiathèque d’Etaples sur mer, vous invite à mettre à profit votre temps libre pour découvrir quelques pépites dont elle vous conseille la lecture. Ce lundi, Jean-Christophe Macquet, responsable de la médiathèque, vous propose de découvrir le sourire innombrable des mots…

La langue française est d’une richesse incroyable. Elle regorge d’expressions aussi insolites les unes que les autres. Les mots ont une histoire et bien souvent ils en disent davantage ou autre chose que ce que nous pensons. Mais connaissez-vous cette histoire qui parfois remonte très loin dans le temps ?

Le précurseur en la matière est Claude Duneton, romancier et journaliste français, auteur de « La puce à l’oreille, anthologie des expressions populaires avec leur origine ». Cet ouvrage connut un incroyable succès. Il fut d’ailleurs réédité et augmenté à plusieurs reprises depuis sa parution en 1978.

Plus près de chez nous, Jean Le Boël, professeur de lettres, poète et romancier ainsi que directeur des Editions Henry, publia en 2006 « Le sourire innombrable des mots » dont je vous propose un extrait intitulé « Tiens bon la barre »… logique sur le port d’Etaples…

« On sait généralement combien les anglais ont donné au vocabulaire de la navigation. On le voit d’autant mieux que nos emprunts finissaient par être de moins en moins digérés, francisés : paquebot de Packet-boat est français ; ferry qui a supplanté malle, ne peut passer pour tel, d’ailleurs, il faut le traduire par transbordeur ou par traversier.
On perçoit moins immédiatement l’apport des autres langues. Pourtant, c’est chez les Néerlandais, grands marins également, qu’on doit chercher l’origine des mots affaler, amarrer, corvette, faseyer, flot, matelot yacht, yole.
On méconnaît aussi, souvent, l’apport des riverains de la Méditerranée : nous avons reçu des Arabes le safran, pièce verticale du gouvernail ; des Espagnols, aviso, cargo, escadre, flottille, péniche, par exemple, et des Portugais qui y naviguèrent, la fameuse caravelle. On pense encore moins aux Provençaux : leur gabia (hune) a donné le gabier, la puppa (du latin puppis) est devenue la poupe, le radel, le radeau, la barca, la barque, le capestra, le cabestan, l’amura l’amure et cap virar (retourner la tête) chavirer.
Mais c’est à l’Italie que nous sommes le plus redevable : nous avons adopté et adopté la régate (du vénitien regata, le défi), le pilote (piloto ou pidoto du grec opidotès), le trinquet et la trinquette (trinquetto, voile triangulaire), l’esquif (schiffo, la chaloupe), la proue (prua ou prora qu’on retrouve dans nos textes de la renaissance, transposée en prore), la coursive (corsiva, où l’on court), le fanal (fanale, d’après le grec phanos lanterne), la drisse (drizza), la frégate (fregata), la carène (carena en génois), la boussole (bussola, petite boîte), le brigandin (brigantino, petit brigand), l’écoute (scotta dont l’étymon est le francique skota) et, bien sû pour finir par la Sérénissime, comme nous avons commencé, la vénitienne gondole, qu’on voit plutôt, chez nous, échouée dans les supermarchés.
Cette liste incomplète de termes contemporains donne une idée de la richesse de l’apport de la Mare nostrum des Latins. Ainsi, au seizième siècle, appelait-on gumènes (de gumena) les haubans ou orche et poge, babord et tribord : de poggia, corde qui tient la voile sur le côté droit, dit mon délicieux dictionnaire italien-français de 1598, et orza, sa symétrique. En revanche, nous leur avons légué notre barre (barra, du gaulois barro). L’honneur est sauf !

Ces deux ouvrages sont bien évidemment disponible