LES CONSEILS DE LA MÉDIATHÈQUE POUR BIEN UTILISER SON TEMPS LIBRE ….

Durant la période de confinement, la médiathèque d’Etaples sur mer, vous invite à mettre à profit votre temps libre pour découvrir quelques pépites dont elle vous conseille la lecture. Ce mercredi, Jean-Christophe Macquet, responsable de la médiathèque, vous propose une évocation du bon docteur Cailleux.

La grave épidémie qui ravage le monde actuellement aura permis de mettre en valeur le travail des personnels hospitaliers qualifiés de héros par la population. Je vais évoquer un autre héros, un médecin, le docteur Joseph Cailleux qui donna sa vie dans la lutte contre l’épidémie de choléra à Etaples en 1866.

Longtemps confinée en Afrique et en Asie, la maladie dont l’origine exacte n’avait pas encore été identifiée, apparut à plusieurs reprises, en France, durant le siècle, dans les années trente et les années cinquante. Elle fit son apparition au mois de janvier 1866 et les ravages qu’elle provoqua dans la population étaploise en ce début de février engendrèrent une véritable panique dans la cité.

Au début, l’épidémie se concentra dans le quartier de la marine, c’est à dire celui au sein duquel se regroupaient et s’entassaient les familles des pêcheurs dans des conditions sanitaires des plus malsaines, avant de franchir les limites de cette partie d’Etaples et se répandre un peu partout dans la ville.

Le conseil municipal chercha aussitôt à lutter contre la propagation du fléau et surtout sa propagation. Il fut décidé de créer trois commissions chargées pour la première de récolter les fonds nécessaires pour lutter contre la maladie par des quêtes auprès de la population et la recherche de donateurs, de faire l’acquisition de linge et de nourriture pour le deuxième, et enfin de rendre visite aux malades, de venir en aide au Bureau de Bienfaisance ainsi que de prendre toutes les mesures d’hygiène pour la troisième. Une distribution de bouillon, de vins, de bois de chauffage et de linges propres fut actée pour les plus démunis.

La mairie fut occupée et se transforma un centre d’accueil où les plus démunis pouvaient se faire soigner. Les quatre médecins rattachés au Bureau de Bienfaisance œuvrèrent jour et nuit pour lutter contre le fléau qui, chaque jour, prenait davantage d’ampleur. Mais comment lutter contre ce mal dont on ignorait la nature et les moyens de propagation même si l’on soupçonnait que la contamination de l’air favorisait la propagation du miasme infectieux ?

Les médecins du secteur, dont le docteur Joseph Cailleux qui résidait à Montreuil sur mer, s’efforcèrent de s’attaquer en premier aux foyers miasmatiques, seule moyen de stopper l’épidémie. Il fallait isoler les maisons infectées et les ventiler au maximum malgré le froid de l’hiver, limiter les visites des malades aux personnes habilitées à les soigner, nettoyer le plus possible, voir détruire les objets de couchage et vêtements portés par les malades.

Les malades devaient rester bien au chaud et boire régulièrement afin de ne pas se déshydrater mais pas trop abondamment pour ne pas favoriser le vomissement contre lequel les médecins utilisaient l’éther, le sous-nitrate de bismuth et le laudanum. Pour lutter contre les diarrhées ils pratiquaient des lavements laudanisés ou mucilagineux. Pour certains malades, ils tentaient les sinapismes ainsi que les frictions dans le dos d’essence de térébenthine et d’ammoniaque.

L’épidémie de choléra perdura encore quelques semaines avant de s’éteindre tout doucement. Lune des dernières victimes de la maladie fut le docteur Cailleux. Le 29 mai, il commença à ressentir une forte diarrhée, mais continua sa tournée malgré le feu qui lui dévorait le ventre. Il n’était pas question qu’il se repose, un médecin de campagne ne se repose pas! De nouveaux symptômes et une forte fièvre apparurent dans la soirée. Le lendemain, le mal augmenta.

L’engagement de Joseph Cailleux auprès d’Allan Kardec et son implication dans le groupe de spirites qu’il avait créé à Montreuil-sur-mer avait froissé le clergé local qui lui refusa une sépulture ecclésiastique. Les démarches engagées par la famille du médecin à l’évêché, aboutirent tout de même à ce qu’un service funèbre fut chanté à l’église. Cependant, l’enterrement resta civil.

Une grande partie de la population montreuilloise dont les soldats de la garnison, s’était déplacée pour rendre hommage à celui qui venait de se sacrifier pour soigner les plus pauvres d’entre eux. Les ouvriers des ateliers portèrent le cercueil tandis que les coins de drap étaient tenus par le docteur Delpanque ainsi que plusieurs autres élus. Emile Delhomel, maire de Montreuil-sur-mer, ouvrait la marche accompagné du sous-préfet, du procureur impérial, du commandant de la place ainsi que bien d’autres notables et médecins de la cité et des localités voisines.

C’est un ouvrier qui prononça un court éloge funèbre devant la tombe du médecin avant que la foule ne se disperse :

«Homme de bien, qui avez été le bienfaiteur des pauvres et qui êtes mort, victime de votre sublime dévouement, recevez nos derniers adieux, votre souvenir demeurera éternellement dans nos cœur.»

Dans sa séance du 3 juin, le conseil municipal d’Etaples vota une adresse à la veuve du docteur Cailleux dont je citerai l’extrait suivant :

«La mort de Monsieur Cailleux a été dans notre ville et dans toutes les communes du canton un deuil public. Le souvenir des services qu’il nous a rendu, pendant l’épidémie, restera éternellement gravé dans le cœur de toute la population d’Etaples.»